Humanité, sensations et parfums… Rencontre avec Philippe Claudel
Humanité, sensations et parfums…
Rencontre avec Philippe Claudel
L’Association Libanaise des Enseignants de Français, ALEF a eu l’honneur et
le plaisir d’accueillir lundi le 14 juin 2021 l’écrivain, dramaturge et
cinéaste Philippe Claudel.
Cette rencontre accréditée par la FIPF et organisée en partenariat avec
l’Institut Français du Liban, IFL fut un moment inoubliable de partage, de
discussion et de voyage dans le monde des mots, des sensations et des parfums
d’un grand écrivain humaniste, d’une modestie remarquable.
Pour faire découvrir l’œuvre de Philippe Claudel aux jeunes lecteurs
libanais, L’ALEF avait proposé aux élèves de tous les cycles et aux étudiants
universitaires certains de ses romans : La petite fille de Monsieur Linh, Trois
petites histoires de jouets, Parfums, l’Archipel du chien.
Encadrés par d’éminents enseignants, élèves et étudiants ont fait preuve
d’une excellente créativité et d’une très bonne réception d’une œuvre si riche.
Le maître de la cérémonie M. Habib Zorkot a déclaré la séance ouverte par
le discours d’accueil de Mme Sophie Nicolaïdès-Salloum, Présidente de l’ALEF,
suivi du discours d’ouverture de M. Philippe Claudel qui, en parlant de sa
carrière littéraire, a insisté sur l’importance de la lecture à l’enfant dès
son jeune âge:
« Quand on est en âge où l'on ne peut pas lire soi-même un livre, lorsque
la voix de l’adulte vous fait découvrir une histoire, lorsque vous ne pouvez
regarder que les images et les lettres sur un livre. Eh bien ! Cette voix prend
une importance très grande. Et en plus de vous faire découvrir une histoire, de
travailler votre imagination, vous avez ce lien, tout à fait particulier, un
lien qui est encore plus fort par ce que la lecture vient le coudre, le
resserrer […] puis quand on est seul, il y a un grand plaisir à lire à haute
voix le livre. Quand on oralise la langue, on lui donne chair, la langue est
une chair, une sorte de corps vivant …c’est encore plus vrai pour la poésie, la
poésie ne doit pas être lue mais doit être déclamée. Les mots doivent s’envoler
dans l’air autour de nous de façon à prendre leur sens […].
À partir du moment où j’ai découvert le plaisir de lire, j’ai eu le désir
d’écrire mais […] il m’a fallu vivre pour avoir des choses à dire. Je n’avais
pas assez vécu , je n’avais pas assez aimé, je n’avais pas assez souffert,
assez rencontré d’autres personnes, je n’avais pas fait assez l’expérience de
la vie... il m’a fallu attendre avant d’écrire mon premier roman qui s’appelle
Meuse, l’oubli… j’ai eu un émerveillement, cette conscience d’avoir des
lecteurs, c’est quelque chose de troublant, d’étrange mais d’aussi trop
chaleureux de voir que quelques milliers de personnes ont acheté mon livre,
l’ont lu, j’étais tout étonné et là je me suis dit c’était une grosse
responsabilité !... Mais pourquoi on continue à écrire des livres ? Pour moi,
je pense qu’au départ, même si l'on ne l’avoue pas, il doit y avoir une
certaine vanité, une certaine fierté à écrire… pour moi, ce sont les gens, les
lecteurs qui m’ont incité à continuer à publier…vous êtes dans une forme
d’obligation généreuse, chaleureuse de la part des lecteurs de leur donner
quelque chose de nouveau à lire… Je ne publie pas tout ce que j’écris ... mon
parcours a connu un changement majeur avec « Les âmes grises » qui a
eu un succès en France et dans le monde, il en est de même avec « Le
rapport de Brodeckt » et « La petite fille de Monsieur Linh »
que je sois lu à l’étranger, traduit dans plusieurs langues, a renforcé ma
conviction d’écrire et de partager des histoires [...]
Le thème de la guerre est lié à ma vie, il reste dans la mémoire familiale…
cette mémoire douloureuse, lorsqu’on a la chance de vivre dans un pays en paix,
continuait à exister dans le milieu où je vis… la frontière, la guerre, les
champs de guerre, les batailles ont marqué l’enfant que j’étais et ont marqué
les livres que j’ai écrits… la frontière m’a fait réfléchir à l’autre, celui
qui est de l’autre côté de la frontière, l’autre qui devient ennemi, l’autre
qui curieusement me ressemble […] d’autres thèmes auxquels je suis sensibles
l’exil, les migrants …
Le cinéma comme la littérature a fait partie de mon existence : j’ai quatre
longs métrages, un petit documentaire et un film pour la télévision qui sera
diffusé bientôt sur mon expérience d’un professeur en prison. Ces films ont été
des aventures : le cinéma c’est une aventure longue, éreintante, magnifique
mais très couteuse… ».
Après le discours de Philippe Claudel, les étudiantes de la deuxième année
de spécialité - Département de Langue et Littérature Françaises - Faculté des
Lettres et des Sciences Humaines de l’Université Libanaise, Section 3, dirigées
par Professeure Dr. Rima Mawloud, ont partagé l’écran pour exposer leurs
travaux :
- Un Power Point sur la biographie et l’œuvre de Philippe Claudel,
savamment préparé par Michelle Akla avec la participation de Nathalie Khattar.
- Un autre Power Point très intéressant sur « La synesthésie chez Philippe
Claudel dans son roman Parfums » préparé par les étudiantes : Joanne Tartak,
Ghada Ibrahim et Sara Khalil.
- Lecture d’une nouvelle intitulée « Sueur » écrite à la manière de Claudel
par Hanane Assoum.
Professeure Dr Anna Rahal-Issa a participé avec un texte très original où
elle imagine un dialogue entre la lectrice qu’elle est et l’écrivain au sujet
de « La petite fille de Monsieur Linh ».
Les élèves du Collège Saint Charbel - El Jiyé, sous la direction de Dr.
Christelle Stéphane-Hayek et Mme Rayane Abi Khalil ont présenté leurs
différents projets :
- Une lecture expressive à plusieurs voix des extraits de « La petite
fille de monsieur Linh » :
Charelle Yazbeck, Caline Abou Serhal, Elissa Chehimi.
- Déclamation du poème « J’avais quinze ans ».
- L’entretien des élèves de S1 du collège Saint Charbel –Jiyé avec
l’écrivain, dirigé par Madame Ilham Slim-Hoteit, a révélé leur créativité et la
qualité des questions posées.
Étaient présents à cette rencontre Madame la Présidente de l’ALEF, Sophie
Nicolaïdès-Salloum, la SG de l’ALEF, Initiatrice du projet de la rencontre, Mme
Ilham Slim-Hoteit, les membres du Bureau central de l’ALEF, Mesdames Maha
Husseini, Joséphine Akl, Lama Arnaout, Hend Rif, Hasna Bouharfouch, Ghiwa
Ghanem et M. habib Zorkot et un grand nombre d’élèves et d’étudiantes,
d’enseignants et de spécialistes de l’éducation .
Quelques retours :
« Les travaux des élèves et des étudiants, très variés, ont révélé une
créativité certaine : un power point sur la vie et l’œuvre de l’auteur, une
fine analyse du roman Parfums mise en images par les étudiantes de l’Université
Libanaise Section III (Tripoli), écritures à la manière de Claudel par les
élèves du Collège Saint Charbel de Jiyé, qui ont étudié « La petite fille
de M. Linh », et les étudiantes, un
entretien avec l’auteur, et je salue les élèves pour la maturité des questions
posées à l’écrivain.
L’analyse de « Parfums » et les écritures montrent tout d’abord
une connaissance approfondie des deux romans et les émotions ressenties par les
lectrices qui s’expriment dans leurs propres productions. On sent une communion
de sentiments avec l’écrivain. C’est une réaction que tout auteur peut souhaiter.
Nous avons vécu des moments hors du temps en compagnie de Philippe Claudel
et du jeune public (Mme Sophie Nicolaïdès-Salloum).
« Je vous remercie encore de votre investissement sans bornes au sein de
l'ALEF, pour la réussite de toutes les activités menées.
J'ai eu le grand plaisir d'assister à la rencontre avec l'écrivain et
cinéaste Philippe Claudel. Ce moment de partage, fait d'authenticité et de
passion, nous a permis de découvrir un auteur exceptionnel dans sa simplicité
et dans la profondeur de son âme. Les élèves et les étudiants qui se sont
penchés sur son œuvre y ont gagné en sensibilité et leurs productions en
témoignent.
Nous avons ainsi passé deux heures hors du temps, comme hors de nous-mêmes,
en osmose avec l'essence de l'art (Mme Christelle Stephan-Hayek).
« Mes sincères compliments à tous les participants et tous les profs
encadreurs qui ont fait leur travail avec beaucoup de cœur. Ils nous ont
émerveillés par leurs tâches collectives et individuelles. C’était une
expérience touchante. Le fait de se mettre en contact avec un romancier aussi
modeste et communicatif que Mr. Philippe Claudel est un rêve qui va accompagner
les étudiants toute la vie et va les inciter à écrire et à lire sans obligation
et avec joie. Chaleureux remerciements à Mr. Claudel d’avoir accepté d’être
parmi nous et d’avoir apprécié le travail fait dans des collèges et des
universités » (Mme Joséphine Najm AKL).
« Une rencontre très agréable, pleine d’émotions et de sensibilité !
Félicitations à toutes les participantes ! Leurs analyses des romans ainsi que
leurs textes en prose et leurs poèmes sont extraordinaires et révèlent beaucoup
de créativités. Grand merci M. Philippe Claudel de nous avoir accordé des
moments parfumés d’humanisme et d’amour de la vie » ( Mme Maha Husseini).
Pr. Iham Slim-Hoteit
SG de l’ALEF
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